David Douillet : moto passion

David, vous rentrez tout juste de Rio où se déroulait le Championnat du Monde de judo. Plutôt satisfait des résultats obtenus par nos judokas français ?

Oh oui, plus que satisfait ! Deux médailles d’or, deux médailles d’argent et quatre médailles de bronze, c’est le carton plein. Ce n’est pas le record puisqu’on avait obtenu neuf médailles en 97 mais, compte tenu du niveau global et du nombre de pays susceptibles de gagner des médailles, c’est aujourd’hui de plus en plus dur. Mais le judo français va bien, très, très bien.

Vous avez gardé des liens étroits avec le monde du judo ?

Plus qu’étroits ! Je suis membre du comité directeur de la Fédération de judo et, accessoirement, président de la commission de sélection.

Le judo reste donc une passion. Vous le pratiquez toujours ?

De temps en temps, mais pas trop, vu l’état de mon physique un peu fatigué, au niveau du dos notamment. Il ne faut plus que je fasse le zozo mais j’aime toujours ça et j’en fais un peu avec les enfants.

Alors restons dans le domaine passionnel. Votre seconde passion, c’est la moto ?

Oh oui, et depuis longtemps !

 Et cette passion est née comment ?

Elle est née grâce à un de mes amis, Benoît Campargue, qui courait à l’époque en Promosport et qui s’entraînait sur le circuit Carole avec une Suzuki GSX-R 750. Il était à l’INSEP avec moi, c’était un poids léger qui a remporté le titre de champion de France. Il est aujourd’hui entraîneur de judo. Je lui donnais un coup de main pour charger et décharger sa moto, je faisais un peu de mécanique et surtout je lui prenais ses chronos. Un jour il m’a dit « Tu n’es jamais monté sur une moto ? ». Je lui ai répondu que je n’avais jamais essayé parce que j’étais trop grand. Il m’a rétorqué que ce n’était pas une raison et me voilà parti pour quelques tours de circuit. J’ai tout de suite attrapé le virus et, dès que j’ai eu 18 ans j’ai passé le permis.

Et depuis, combien de moto avez-vous possédé ?

Heu… je ne me souviens pas. J’en ai eu un paquet… pas une centaine, mais une bonne quinzaine, oui ! Du trail au roadster en passant par la sportive, j’ai touché à tout !

Pour vous, la moto c’est un instrument de travail, un engin de loisirs, d’évasion, ou tout à la fois ?

Au départ, c’est d’abord l’évasion. J’adore la moto, j’adore les sensations qu’elle procure, à tous les niveaux. J’adore être à l’air et j’apprécie tout particulièrement le sentiment de liberté que l’on ressent sur une moto. Mais pour moi, la moto c’est aussi un accessoire de travail très pratique, surtout quand on est dans une ville comme Paris.

Et comme vos journées ont l’air d’être particulièrement chargée, la moto vous aide à gagner du temps ?

Ca aide un peu, oui ! Avant je roulais presque exclusivement dans Paris et j’étais un « roule-toujours », je prenais la moto par tous les temps, été comme hiver. Aujourd’hui, l’âge aidant et mon dos étant ce qu’il est, je lève un peu le pied. En hiver, je prends plutôt la voiture.

Vous êtes donc un motard aguerri. Quels conseils pourriez-vous donner aux apprentis motards ?

La moto est un objet enivrant et on a le droit d’aimer la vitesse. Mais on n’a pas le droit de mourir ! Donc même si ça coûte un peu d’argent, comparé au nombre de vies que cela peut sauver, ce ne serait pas idiot, en plus de la formation classique, d’aller faire un stage sur circuit, de s’attacher les conseils d’un pro, même si le permis moto n’est pas si mauvais comparé au permis auto. Mais en moto, on n’a pas le droit de faire le con. On peut le faire dans des endroits précis. Sur un circuit, on peut y aller, c’est fait pour ça. Mais sur la route, non. J’ai trop de potes qui y ont laissé leur peau. D’ailleurs, moi aussi, j’ai failli y laisser ma peau !

Vous avez eu un grave accident de moto...

Oui, un accident important…

 Qui ne vous a pas dégoûté de la moto ?

Non, bien sûr que non ! Je sais qu’il y en a beaucoup qui arrête la moto après un accident, mais moi, ce n’était pas de ma faute. Je pense que quand on est responsable de sa propre chute, c’est un peu plus rédhibitoire. Pour moi, ce n’était pas le cas.

Etre judoka vous a permis de mieux vous en tirer ?

Je dois dire que oui. Je crois même que ça m’a sauvé la vie. C’est en tout cas ce que m’ont dit les chirurgiens. J’étais au minimum à 80 km/h et j’ai fait une énorme chute par l’avant. J’ai été éjecté au moins à une quinzaine de mètres. Mais j’ai roulé, j’ai accepté la chute et je n’ai pas eu un os de cassé, ni aucun organe interne touché. Une articulation explosée, des ligaments pêtés, oui, mais rien de cassé. Un vrai miracle !

Revenons à des choses plus gaies. Vous êtes le parrain du village éco-technique au Mondial du Deux Roues. Comment est née l’idée de cette animation ?

C’est un de mes amis, Frank Moritz, qui travaille dans la moto et qui gère plusieurs concessions en région parisienne qui avait cette idée qui lui germait depuis longtemps dans la tête. Et comme je suis personnellement très sensible à l’environnement, à la nature et à tout ce qui s’y passe, nous nous sommes dits que le milieu de la moto et des motards devait naturellement emboîter le pas au milieu de l’automobile. Respectez un peu l’environnement, on le fait déjà un peu en circulant à moto. En ville, on produit moins de gaz nocifs et on a des temps de trajets plus courts qu’en bagnole. Tout ce qui est généré par un véhicule classique en terme d’émissions polluantes est divisé par quatre ou cinq quand on roule à moto. Mais le comportement du motard se gâte lorsqu’il s’occupe lui-même de sa moto. Il commence à mettre un peu les mains dans le moteur et là, quid des déchets, des vieux pneus, de l’huile usée ? On va leur faire prendre conscience de ce que cela provoque dans l’environnement, leur expliquer ce qu’il faut faire pour régler ces problèmes. Aujourd’hui, les automobilistes sont beaucoup mieux éduqués à ce niveau que les motards.

 Et vous espérez faire aussi réagir les constructeurs ?

Oui, tout le monde de la moto, toute la chaîne y compris ceux qui vont créer les motos de demain, les futurs moteurs… Je ne vois pas pourquoi le monde des quatre roues aurait le monopole des nouvelles énergies. Il faut qu’on s’y colle aussi. Il y a déjà des scooters électriques, des scooters hybrides. Il faut aussi s’occuper des gros cubes.

Les gros cubes, parlons-en justement. J’ai l’impression que la législation française qui bride les grosses cylindrées à 106 ch vous énerve un peu, non ?

Oui, c’est un peu rageant. C’est vrai que le fait de demander aux citoyens de réduire leur vitesse sur la route a sauvé énormément de vies. Mais cela n’empêche pas qu’une moto a besoin de puissance pour se sortir de nombreux mauvais pas. En moto on se tire souvent plus facilement d’une situation scabreuse sur un coup d’accélérateur que sur un coup de frein. Pour cette raison là ce serait sympa de pouvoir laisser un peu plus de watts dans les moteurs.Nous sommes des proies beaucoup plus vulnérables que les automobilistes. Quand on a un gros cube bridé à 106 ch et qu’il est lourd, on se rend vite compte que des motos beaucoup plus légères et beaucoup moins puissantes ont plus de chance de s’en sortir. C’est quand même incroyable que des gros moteurs soient au final moins efficaces que des petits.

En temps que motard, de quel œil considérez-vous les scooters ?

Oh, les scooters, je les adore ! On est cousins. Mais quand même, il faudrait qu’ils respectent un peu plus les autres. Là, pour le coup, il faut vraiment que l’Etat les éduque. Je ne parle pas bien sûr de ceux qui roulent sur des scooters de plus de 125 cm3 et qui ont donc le permis moto. En région parisienne, trois utilisateurs de scooters sur quatre n’ont pas le permis moto. Et ça, c’est intolérable quand on sait ce qu’est la route ou la ville sur un deux-roues. On nous ennuie avec des restrictions de puissance et on laisse rouler des gens qui n’ont aucune notion du deux-roues, aucune notion sur le freinage, sur l‘adhérence, sur les trajectoires. C’est monstrueux et je pousse un vrai cri d’alarme pour que l’on forme les utilisateurs de 125. Ils ont aujourd’hui des machines qui roulent quand même relativement vite et ils n’ont aucune base. Il faut qu’ils sachent comment ça fonctionne. Au pire une formation, au mieux un vrai permis.

Aujourd’hui, la moto de vos rêves ce serait quoi ?

La moto de mes rêves, elle n’existe pas. Comme je mesure 1,96 m, je suis toujours un peu à l’étroit. J’ai trouvé un roadster avec un gros bicylindre qui est pas mal pour les grands, mais c’est une moto pour se balader tranquillement le dimanche. Ah, si on pouvait faire une sportive à ma taille !

Elle sera peut-être au Mondial du Deux Roues. Mais vous, les visiteurs auront une chance de vous y croiser ?

Comme je suis à Paris durant la durée du Salon, je vais en profiter. J’y serai quasiment tous les jours !