Dossier : Carburants et nouvelles énergies

Super sans-plomb E10 : un peu plus de betteraves dans notre essence !

 

Le 1er avril 2009, un nouveau carburant « vert » baptisé 95-E10 a fait son apparition dans nos stations-service. Bon plan ou mauvaise blague ?

 
 
 
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La plupart des automobilistes l’ignorent, mais les carburants « classiques » leur permettent déjà de rouler (un tout petit peu) « bio ». Depuis plusieurs années, super sans plomb et diesel incorporent en effet, mais à dose homéopathique, des biocarburants d’origine agricole. En France, le super contient ainsi 1,3 % d’éthanol produit essentiellement à partir de betteraves tandis que le diesel accepte 5 % de biodiesels obtenus à partir d’huile de tournesol ou de colza.
Pour le gazole, les choses sont claires. Au-delà de 5 % d’ajout de carburant bio, les moteurs doivent être modifiés. En ce qui concerne l’essence, il paraîtrait que nos moteurs sont capables de supporter des carburants incorporant jusqu’à 10 % d’éthanol.
Et 10 %, c’est justement la proportion d’éthanol que contient le nouveau carburant SP95-E10 qui, depuis le 1er avril et en région parisienne en tout cas, chasse énergiquement de nos pompes le bon vieux SP95.
Pour l’Etat, la mise sur le marché du SP95-E10 va contribuer à atteindre les objectifs d’incorporation prévus par le plan biocarburants français (7 % d’ici 2010), plan dont le but principal est la diminution de notre facture énergétique et de notre dépendance vis-à-vis des pays producteurs de pétrole.
En outre, le développement de la filière de production d’éthanol est créateur de richesses pour la France si l’on prend aussi en compte le milliard d’euros investi en majorité par les agriculteurs ainsi que les 24 000 emplois créés ou maintenus.


Compatible ou pas ?

Si les objectifs du gouvernement sont louables, ils risquent en revanche de sérieusement compliquer la vie des automobilistes et des utilisateurs de deux-roues. En effet, si la SP95-E10 fait entrer dans sa recette d’innocents légumes, il n’en est pas moins plus corrosif que le SP95 normal et ne peut donc être versé dans n’importe quel réservoir.
Le gouvernement fait cependant preuve de confiance en annonçant que ce nouveau supercarburant est compatible avec 60 % du parc de véhicules essence existant, avec la très grande majorité des véhicules neufs ainsi qu’avec la plupart des véhicules à essence vendus depuis 2000 (pour mémoire, la moyenne d’âge du parc automobile français est de 8,3 ans).
Mais attention, car « la plupart » ne signifie pas « toutes ». Même si votre voiture est sortie d’usine bien après 2000, elle peut fort bien ne pas digérer ce carburant un peu trop vert pour elle. Pour nous rassurer, le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire a mis en place un site Internet qui recense les voitures adaptées. Rendez-vous sur www.carburantE10.fr... et bonne chance !
 
 
 
 
 
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Et les motos ?
Pour les utilisateurs de motos, les choses se compliquent car le site du Ministère ne connaît que trois marques, BMW, Honda et Triumph ! On y apprend donc que toutes les Honda produites à partir du 1er janvier 1993 et toutes les Triumph commercialisées après le 1er janvier 2007 sont compatibles. Quant aux BMW, elles seraient toutes capables d’accepter le SP95-E10. Mais alors pourquoi l’étiquette collée sur leur réservoir recommande-t-elle l’utilisation du SP98 ? Méfiance !
Le petit coup de fil passé aux services techniques de Yamaha France pour savoir quoi mettre dans le réservoir de ma Fazer 600 de 2003 se soldera par un « surtout pas de 95-E10 ! Du 95 ou, à défaut, du 98 ».
Quant à ma Super Ténéré, soigneusement stockée au fond du garage en vue d’une improbable restauration, elle a de forte chance d’y rester encore longtemps. Entre le 98 qui lui « flinguait » ses bougies en un petit millier de kilomètres et le 95-E10 qui va lui ronger les entrailles, mieux vaut qu’elle reste sagement sur sa béquille !
Bref, quelle que soit la marque et le modèle de votre moto, de votre scooter… ou de votre auto mieux vaut questionner votre concessionnaire avant d’opter pout le SP95-E10 dont le seul avantage évident est qu’il est un tout petit peu moins cher que le SP95 et beaucoup moins cher que le SP98.


Les Verts ne lui disent pas merci !
Pour le moment, le gouvernement et la CGB (Confédération Générale des Planteurs de Betteraves) sont les seuls à chanter les louanges du SP95-E10, le bilan énergétique du bioéthanol étant, selon eux, largement positif entre énergie fossile consommée et énergie renouvelable produite.
En revanche, pour Arnaud Gossement, porte-parole de France Nature Environnement (FNE), le SP95-E10 n’a strictement rien de bio et son lancement un 1er avril a tout d’un très mauvais gag.
Le problème, c’est que les deux partis avancent chacun des chiffres « prouvant » la véracité de leurs dires !
Ce qui est sûr en revanche, c’est que le SP95-E10 ne permettra pas aux gros rouleurs de faire de réelles économies car s’il est vendu de 1 à 3 centimes d’euro de moins que le SP95, son pouvoir calorifique est moindre ce qui entraîne une surconsommation. Et ne parlons même pas de ceux qui seront désormais condamnés à ne rouler qu’au SP98… à moins de changer de voiture. Ce serait bien la première fois qu’un carburant participe à la relance du marché automobile !
 

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D. Allignol

 

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